Pour toute nouvelle formation financée via le CPF, un reste à charge de 100 euros devrait être demandé au bénéficiaire. L’entrée en vigueur de cette mesure est prévue le 1er mai 2024. L’exécutif en attend jusqu’à 250 millions d’euros d’économie en 2023 et 375 millions d’euros en année pleine, selon un article des Échos du 8 mars 2024. Mais est-ce une bonne chose ?
Des coûts de formation en hausse qui ne sont pas perçus par le consommateur
Selon l’étude de la Caisse des dépôts publiée en 2023, entre 2020 et 2022, la hausse du nombre d’heures de formation financées est bien inférieure à celle de la dépense correspondante, de sorte que le prix horaire moyen apparent des formations souscrites augmente de plus de 60 % en deux ans. Si l’on creuse, l’analyse met en évidence que cette forte hausse doit beaucoup au choix de nombreux organismes de formation de diminuer la durée des formations sans répercuter intégralement la baisse de la durée sur le prix total des formations. Cette pratique aurait pu se heurter aux réticences des acheteurs à souscrire des formations beaucoup plus courtes pour des prix à peu près inchangés. Selon la Caisse des dépôts, cela n’a semble-t-il pas été le cas, probablement parce que l’augmentation des prix horaires a pu paraître indolore aux titulaires de comptes CPF, dès lors qu’il leur était toujours possible de financer l’intégralité du coût de ces formations sans devoir en payer une partie sur leurs propres deniers.
Responsabiliser les bénéficiaires
Parallèlement, le Gouvernement a porté ces derniers mois un certain nombre de mesures pour améliorer la qualité de la formation, ce qui a conduit à écarter environ deux tiers des certifications enregistrées dans les répertoires nationaux, dont l’intérêt n’était pas avéré. Le Gouvernement a également œuvré à déréférencer les organismes de formation qui ne satisfaisaient pas aux exigences attendues pour l’éligibilité au financement par le compte personnel de formation et a soutenu la loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires. Afin de compléter cette régulation de l’offre, le Gouvernement souhaite dorénavant responsabiliser chaque bénéficiaire du Compte personnel de formation (CPF) pour qu’il s’engage de manière active dans sa formation avec une participation financière.
Au Sénat, l’idée d’un ticket modérateur a reçu le soutien de majorité sénatoriale. « Ce qui est gratuit n’a pas de valeur. Si l’on veut pleinement engager les gens dans un processus de formation […] il faut les faire participer un peu et avoir ainsi la garantie qu’ils seront véritablement acteurs de leur formation », avait défendu la sénatrice (LR) Christine Lavarde
Un ticket modérateur qui risque d’exclure les plus démunis du système du CPF
Le ticket modérateur de 100 euros reste une bonne nouvelle, si on le compare au 30 % de ponction initialement envisagé par Bruno Lemaire.
Cependant, selon Claire Khecha, déléguée générale des Acteurs de la compétence, « dans l’immense majorité des cas, le CPF bénéficie à des personnes au Smic ou aux premiers niveaux de qualification. On parle d’ouvriers et d’employés, pour qui les 100 euros seront bloquants ».
Selon l’étude de la Caisse des dépôts, en termes de dépense, les langues vivantes, le permis B et l’accompagnement à la création ou à la reprise d’entreprise (ACRE) arrivent en tête des types de formation choisies. Pour autant les durées de formations varient beaucoup d’un type de formation. Si l’on raisonne en termes d’heures de formation financées, un tout autre palmarès s’impose : ce sont les formations dans les domaines du secrétariat et de la bureautique, du travail social, des transports (hors permis B), de la manutention et du magasinage qui représentent les plus gros volumes horaires.
Ces métiers sont souvent en tension, alors il serait dommage que le ticket modérateur de 100 euros démotive les plus démunis à se reconvertir vers ces métiers.