À l’été 2022, plus de 60 % des entreprises faisaient état de difficultés de recrutement, soit un peu plus du double de 2015. Dans ce contexte, le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion vient de présenter la phase 2 de son plan de réduction des tensions de recrutement. Il demande la mise en place des viviers de recrutement dans les agences Pôle emploi pour répondre aux besoins des secteurs les plus en tension. De quoi s’agit-il ?
Un plan pour 60 % des entreprises qui ont des difficultés de recrutement
Plusieurs facteurs expliquent les difficultés rencontrées. Parmi les principaux :
- Une plus grande mobilité sur le marché du travail générant turn-over et besoins de remplacement,
- Des créations nettes d’emploi qui concurrencent les besoins en remplacement,
- Des métiers peu attractifs boudés par les candidats
- Une transformation du rapport au travail et des attentes des travailleurs.
Pour répondre à ce phénomène, le Gouvernement a lancé un plan de « réduction des tensions de recrutement » en octobre 2021. Doté de 1,4 milliard d’euros, ce plan mobilise plusieurs outils :
- La formation des demandeurs d’emploi au plus près des besoins des employeurs ;
- Le développement des méthodes de recrutement par simulation pour aider les entreprises à innover dans les méthodes de recrutement ;
- Le renforcement des périodes d’immersion pour faire découvrir les métiers qui recrutent.
Les demandeurs d’emploi “disponibles immédiatement” orientés vers les métiers en tension … et davantage contrôlés
Mais cela ne suffit pas. Dans ce contexte, le gouvernement vient de lancer la phase 2 du plan de lutte contre les tensions de recrutement.
Face aux difficultés de recrutement, chacune des 900 agences de Pôle emploi va créer un « vivier » de 100 à 150 demandeurs d’emploi employables rapidement dans les secteurs les plus « en tension » (l’hôtellerie-restauration, le transport et le sanitaire et social).
Les listes de demandeurs d’emploi seront constituées autour de 23 métiers parmi ceux qui sont les plus en difficultés de recrutement. Il s’agit notamment des aides-soignants, infirmiers, accompagnants éducatifs et sociaux (AES), conducteurs routiers, serveurs, commis de cuisine, cuisiniers, personnels d’étage, etc. La liste des métiers en tension sera complétée et amendée selon les spécificités des territoires.
Les demandeurs d’emploi concernés sont ceux qui sont immédiatement « employables dans ces métiers ou en mesure de les exercer moyennant une adaptation rapide ». Ceux inscrits depuis moins de trois mois seront ciblés en premier.
Le plan précise qu’il y aura également un contrôle renforcé de la recherche d’emploi des demandeurs d’emploi inscrit sur les métiers en tension. 500 000 contrôles seront réalisés en 2023.
Les limites de l’approche adéquationniste
Les contrôles renforcés auront peut-être de quoi freiner les envies de reconversion de certains. Après la crise sanitaire, de nombreux demandeurs d’emploi ont boudé certains métiers et eu envie de changer de voie, comme près de la moitié des actifs français selon le dernier Baromètre de CentreInffo.
Or, lors de l’élaboration de son projet personnalisé d’accès à l’emploi, le type d’emplois visés par le demandeur d’emploi n’est pas librement déterminé. Il est validé avec le conseiller en fonction de la formation, des qualifications, des compétences et de la situation du marché du travail local.
Bref, s’il n’y a qu’à traverser la route pour vous trouver un job, votre projet de reconversion peut vite passer à la trappe. Ça se défend. Mais il n’est pas certain que les entreprises trouvent dans ces profils des candidats motivés et engagés, surtout à une période où les possibilités de mobilité sont nombreuses et le rapport au travail transformé.
Former aux métiers en tension, construire des viviers immédiatement disponibles : ces approches sont différentes dans leur temporalité, mais pas dans leur nature.
Elles restent empreintes d’une logique de gestion massive de la main-d’œuvre, qui a tendance à ignorer les stratégies individuelles. Leur poids prend pourtant de plus en plus d’importance, à mesure que le marché du travail se flexibilise et se segmente.
L’autre solution, le recrutement par les appétences
Comme l’évoque Francis Boyer, auteur expert de l’innovation managériale dans son article sur le recrutement par les appétences, la solution gouvernementale est extrêmement rationnelle et logique mais elle coûte souvent bien plus cher qu’elle ne rapporte (…) 4 % des nouvelles recrues quittent leur job dès le 1er jour et 22% dans les 45 premiers jours et le principal motif de ces départs est le manque d’épanouissement.
Pour cet expert RH, une alternative consisterait à ne former les demandeurs d’emploi qu’après avoir évalué leur niveau de plaisir dans le métier visé.
L’approche par les appétences, promue par Francis Boyer repose sur l’idée que, lorsqu’une personne exerce une activité plaisante, elle apprend plus vite. Et une fois en poste, elle a surtout un niveau d’engagement et de motivation plus élevé et durable.