Il y a quelques semaines, des ingénieurs d’Agro ParisTech appelaient à déserter « les jobs destructeurs » d’un secteur (l’industrie agroalimentaire) qui « mène la guerre au vivant et à la paysannerie partout sur Terre ». Ces jeunes diplômés ne sont pas des cas isolés. Selon une étude menée par la Chaire Impact Positif d’Audencia pour Jobs that make Sense auprès de 965 étudiants et salariés, 92 % d’entre eux se posent la question du sens de leur activité professionnelle. Le besoin de contribuer aux enjeux de la transition écologique est d’ailleurs cité par 57% des répondants. Le marché du travail est-il prêt à répondre à ces aspirations ?
La transition écologique : un secteur créateur d’emplois
L’évolution des emplois dans les secteurs au cœur de la transition énergétique est difficile à mesurer. L’ADEME comptait un peu moins de 360 000 emplois directs en 2019 dans ces secteurs, soit 1,3 % de l’emploi total (BTP 59 %, transports 23 %, énergies renouvelables 18 %). L’observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte comptabilise près de 563 000 emplois dans les éco-activités (agriculture biologique, gestion des déchets, protection et gestion de l’eau, maîtrise de l’énergie, récupération de matériaux de recyclage…). L’institut dénombre également 140 000 salariés dans les métiers verts (agent d’entretien des espaces naturels, garde forestier, agent de déchetterie.) et presque 3,8 millions pour les métiers verdissants. Ces derniers désignent des métiers « traditionnels » appelés à évoluer notablement au vu des enjeux climatiques. Le secteur du BTP est particulièrement concerné, mais pas seulement. Citons par exemple les métiers d’architecte, de poseur en isolation thermique, ou encore de responsable logistique.
Plus de 300 000 nouveaux emplois crées d’ici 2035
Du côté des perspectives, l’ADEME estime que 340 000 emplois seront créés en 2035 et 900 000 en 2050 par la transition écologique, en dépit des destructions d’emplois dans le secteur des énergies fossiles. Le « Plan de Transformation de l’Économie Française » du think tank bas carbone prévoit de détruire 800 000 emplois (dans le secteur pétrolier surtout) mais aussi d’en créer 1,1 million (notamment via la création d’une puissante industrie du cycle, des deux roues et de la voiture électrique).
Nouveaux métiers verts et métiers verdissants
Comme le souligne le CEREQ dans sa publication du mois de mai dernier, intitulée l’écologisation des emplois publiée, stabiliser une cartographie des métiers et des compétences de la transition écologique est l’un des enjeux clés pour mieux quantifier le phénomène. Mais l’exercice n’est pas simple. D’un côté, de nouveaux métiers apparaissent (chef de projet ENR, ingénieur d’étude hydrogène.). Mais c’est surtout et d’abord des métiers « traditionnels » qui évoluent (opérateurs du tri, techniciens de maintenance électrique, agriculteurs responsables d’une unité de méthanisation…). Sans compter les nouveaux intermédiaires nécessaires pour mettre en œuvre les transformations liées à l’écologisation des organisations (conseiller info énergie, conseiller mobilité douce par exemple).
Parmi les métiers de la transition écologique qui recrutent, on peut citer les métiers de l’énergie renouvelable, les métiers du recyclage et du réemploi, mais aussi les opportunités de la filière vélo qui devrait créer 100 000 emplois d’ici 2050.
La responsabilité écologique, une compétence transversale indispensable de demain
La transition écologique ne pose donc pas seulement la question de l’accompagnement des métiers émergents, mais aussi des nouvelles compétences à développer et à intégrer dans tous les métiers. Le ministère de l’agriculture et l’AFPA ont par exemple commencé, dès 2014, à remanier les diplômes et les titres professionnels, pour évaluer l’intégration des préoccupations environnementales dans les contenus des formations. Dans le même esprit, le rapport de la commission Jean Jouzel (février 2022) préconise de sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique 100 % des étudiants de niveau bac+ 2 d’ici 5 ans. Au même titre que l’on reconnaît aujourd’hui l’existence de compétences numériques de base, incontournables pour s’insérer sur le marché du travail, il faudra peut-être définir demain les compétences écologiques de base.
L’appui aux reconversions professionnelles, levier incontournable de la planification écologique
À l’heure de la planification écologique, la plateforme d’emploi à impact positif jobs_that_makesense et 200 acteurs de la société civile ont interpellé le nouveau ministre du Travail en lui faisant des propositions concrètes pour réorienter le marché de l’emploi. Parmi elles, l’accompagnement des reconversions professionnelles vers les métiers de la transition écologique. L’association préconise notamment de flécher des financements de la formation professionnelle vers les métiers verdissants. Cela pourrait se traduire par un abondement du Compte Personnel de Formation (CPF) pour toute formation vers ces métiers et compétences, comme c’est déjà le cas pour les formations vers les métiers du numérique.